Les élèves de la 1e ES2-S2 du lycée Pierre Corneille de Rouen porteront cette année les couleurs des lycées haut-normands impliqués dans le dispositif.
Et comme d'habitude, c'est un beau programme qui nous attend.
Le film français est le premier long métrage de Morgan Simon, un jeune réalisateur français très prometteur: Compte des blessures (nous en avions parlé ici: http://umdiewurst.blogspot.fr/2017/01/oedipe-et-tatouages.html)
Le film allemand est interprété entre autres par l'excellente Sandra Hüller, exceptionnelle dans Toni Erdmann ; il s'agit de Über uns das All de Jan Schomburg:
Et le film polonais à partir duquel les élèves travailleront lors de la rencontre en tiers-lieu est intitulé Body et a été réalisé par Malgorzata Szumowska:
Cette année, nous serons hantés par les fantômes des morts...
En cette période d'Halloween, rappelons tout de même que le premier film de vampires de l'histoire du cinéma est allemand, c'est l'incontournable Nosferatu, eine Sinfonie des Grauens de Murnau (1922):
Le film en entier peut être vu là:
https://www.youtube.com/watch?v=7qqO9qhhwEE
https://www.youtube.com/watch?v=oAX2WBzCh5Y
On peut aussi regarder avec intérêt la version des années 70 réalisée Werner Herzog, qui n'a pas forcément toujours bien vieilli, mais dans laquelle Klaus Kinski campe un Dracula très convaincant:
Le film en entier peut être regardé là:
https://www.youtube.com/watch?v=Hl0nO3e6SKg
Il n'est pas allemand mais danois et a réalisé de nombreux films en Allemagne. Dix ans après Murnau, Carl Theodor Dreyer nous propose sa vision du vampire (Vampyr, 1932):
On peut trouver une version complète du film ici:
https://www.youtube.com/watch?v=pz5aW_IqmMw
Plus récemment et dans un registre moins classique, le vampire est réapparu dans des films allemands, plus légers, pas forcement indispensables mais néanmoins assez plaisants:
Therapie für einen Vampir (2015)
Die Vampirschwestern (2012)
Et avec le temps, la figure du vampire a largement changé, ce n'est plus le monstre hâve aux doigts crochus qui se penche sur le cou de ses victimes, mais de séduisantes créatures comme celles de Wir sind die Nacht (2010):
Une lecture de rentrée incontournable, Brandebourg (Unterleuten en vo) de Juli Zeh:
Brandebourg
Les éoliennes peuvent rapporter gros – mais
à qui ? Une partie d’échecs se joue derrière les façades proprettes
d’un village du Brandebourg où des Berlinois épris d’un romantique
“retour à la campagne” côtoient des paysans du cru et leurs familles. De
vieilles rancoeurs – datant de l’époque de la chute du Mur – se
réveillent et des stratagèmes de vengeance se fomentent. Une
manipulatrice essaie de tirer profit des désirs des uns et des haines
des autres. Grâce à la plume d’acier de Juli Zeh, cette belle fresque
villageoise contemporaine offre du rire et de l’effroi. Un formidable
thriller rural qui renouvelle et dynamite le roman de terroir.
Au-delà du livre, l'auteur propose de nombreuses ressources numériques qui prolongent la fiction en la mêlant à notre réalité:
http://www.actes-sud.fr/brandebourg/
Un excellent article de Mediapart au sujet de ce livre:
https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/300917/un-thriller-rural-avec-site-internet
Et pour finir, deux ouvrages pour découvrir l'univers de Juli Zeh:
Comment fonctionne le système
institutionnel allemand ? Comment se déroulent les élections
législatives ? Tout comprendre sur la politique allemande...
Les institutions allemandes
L’Allemagne est un État fédéral
composé de 16 Länder dotés chacun d’une Constitution, d’un Parlement et
d’un gouvernement. Les Länder sont représentés au niveau fédéral et
participent à la législation fédérale. Ils gèrent indépendamment la
politique régionale et les affaires en matière de culture et
d’éducation. La Loi fondamentale est le
fondement juridique et politique de l’Etat, elle soumet la législation
au régime constitutionnel. La Cour constitutionnelle fédérale veille au
respect de la Loi fondamentale. Le chef de l’Etat
est le président fédéral, il est élu pour cinq ans au suffrage indirect
par l’Assemblée fédérale composée des députés du Bundestag et d’un
nombre égal de représentants élus par les parlements des Länder, les
Landtage. Le président fédéral en fonction est Joachim Gauck depuis le
18 mars 2012. Il n'a qu'un rôle de représentation de l’Etat allemand
avec très peu de pouvoir. Il propose formellement le chancelier qui doit
être élu par le Bundestag et doit promulguer toute loi adoptée par le
Bundestag pour qu’elle soit mise en vigueur. Le chancelier
exerce de fait l’essentiel du pouvoir exécutif. Il est élu au suffrage
universel indirect pour un mandat renouvelable de quatre ans à la
majorité absolue des membres du Bundestag sur proposition du président
fédéral, après la conclusion des négociations entre les partis
politiques.
Selon la Loi fondamentale, le chancelier fixe les
grandes orientations de la politique allemande et en assume la
responsabilité. Lui seul a le droit de constituer le cabinet. Il lui
revient ainsi de décider du nombre de ministères, de définir leurs
domaines de compétence et de choisir, de fait, les ministres, car c’est
lui qui propose leur nomination et leur révocation au président fédéral.
Deux chambres
Le système institutionnel allemand est bicaméral :Le Bundestag (Assemblée fédérale) et le Bundesrat (Chambre des Länder) composé de délégués des gouvernements des Länder se partagent le pouvoir législatif. Le Bundesrat
, la chambre haute du parlement fédéral, n’est pas élue au suffrage
universel. Il compte 69 membres, qui sont en fait des membres des
gouvernements des Länder. Il n’y a donc pas d’élections des membres du
Bundesrat, même indirectes, ni de moment précis où cette chambre est
renouvelée. Sa composition varie au fur et à mesure que les différents
Länder changent de gouvernements. Le gouvernement fédéral n’est pas
obligé de détenir la majorité au Bundesrat. Le Bundestag
, la chambre basse du parlement vote les lois, élit le chancelier
fédéral et contrôle le gouvernement. L’assemblée plénière, d’un nombre
de 598 sièges, est le forum des débats parlementaires sur les questions
de loi essentielles en politique étrangère et intérieure. En vertu de
l’article 38 de la Loi fondamentale : "Les députés du Bundestag sont
élus au suffrage universel, direct, libre, égal et secret. Ils sont les
représentants de l’ensemble du peuple, ne sont liés ni par des mandats
ni par des instructions et ne sont soumis qu’à leur conscience." Le
député conserve donc son mandat parlementaire même s’il est exclu du
parti ou s’il le quitte. En fonction de leur appartenance politique, les
députés s’associent en groupe parlementaire dès lors qu’ils ont obtenu
le nombre minimum de sièges. L’importance respective des groupes
parlementaires détermine la répartition des sièges dans les commissions.Le président du Bundestag
est élu parmi les membres du groupe parlementaire le plus fort. Il
dirige les séances plénières et veille au respect du règlement intérieur
du parlement.
Le fonctionnement des élections législatives
Les
élections législatives - qui ont lieu tous les quatre ans - visent à
renouveler les sièges des députés du Bundestag. Les Allemands élisent
directement les membres du Bundestag selon un système qui mélange
systèmes majoritaire et proportionnel.Chaque électeur dispose de "deux
voix" pour l’élection du parlement :Avec leur première voix (Erststimme)
, ils choisissent un nom, c’est-à-dire le candidat en circonscription
qu’ils voudraient voir représenter leur région au Bundestag. La moitié
des 598 députés sont ainsi élus au suffrage universel direct et
uninominal à un tour (le direktmandat ou mandat direct). Chacune des 299
circonscriptions est donc représentée par le candidat qui y remporte la
majorité relative.Avec leur deuxième voix (Zweitstimme)
, les électeurs déterminent le rapport de force entre les partis au
Bundestag. Ils votent pour une liste de candidats affiliée à un parti et
présentée dans chaque Land qui permettra de désigner, au système
proportionnel, le nombre de sièges revenant à chaque parti (les environ
300 autres députés). Il est tout à fait possible pour un électeur de
choisir un parti politique différent pour chacune de ses deux voix. L’ensemble des sièges du Bundestag
est réparti entre tous les partis en fonction des pourcentages de
deuxièmes voix obtenues par ceux-ci sur l’ensemble du pays. Restriction
importante : on ne tient compte que des partis qui ont recueilli au
moins 5 % des deuxièmes voix sur le plan national ou qui ont obtenu avec
les premières voix un siège dans au moins trois districts électoraux.
Si un parti ne passe pas cette barre, il peut tout de même sièger au
Bundestag s’il obtient au moins trois mandats directs. Ces règles
électorales fondamentales sont un héritage du passé national-socialiste
afin d’éviter l’émiettement des partis au sein du Parlement,
caractéristique de la République de Weimar. Elles permettent ainsi la
constitution d’un parlement capable d’agir, et créent des rapports
gouvernementaux stables. Lors de la répartition des sièges, on commence
par attribuer les mandats directs obtenus dans les circonscriptions. Ils
sont pourvus, même lorsque le parti n’obtient pas de siège par la voix
proportionnelle.
Difficile de gouverner seul
Au Bundestag,
les députés appartenant aux différents partis se réunissent pour former
des groupes parlementaires, pour défendre et mettre en œuvre leurs
objectifs et leurs programmes politiques. Si aucun groupe parlementaire
ne dispose de la majorité absolue des sièges, les groupes parlementaires
négocient entre eux pour trouver une coalition de gouvernement.
A
l’exception de la CDU/CSU sous Konrad Adenauer, qui a emporté 50,2 %
lors des législatives en 1957, aucun groupe parlementaire n’a jamais pu
gouverner seul. Même si, dans la pratique politique, certaines
associations sont quasiment impossibles (par exemple une alliance entre
les chrétiens-démocrates et les communistes), les partis sont
théoriquement libres de s’allier avec toutes les formations représentées
au Bundestag. Ce sont, en général, les similitudes de programmes, des
accords préélectoraux entre les partis et, bien entendu, la répartition
des sièges qui déterminent la formation de coalitions de gouvernement.
NB: la fiche n'est pas tout à fait à jour, L'Allemagne a un nouveau Bundespräsident depuis février 2017:
Die Wahl des deutschen Staatsoberhaupts 2017
Der frühere Außenminister und SPD-Politiker Frank-Walter Steinmeier ist am 12. Februar 2017 zum neuen Bundespräsidenten Deutschlands gewählt worden. source: https://www.lpb-bw.de/bundespraesidentenwahl_2017.html
Deux petites vidéos sur le Freiwilliges Ökologisches Jahr et le Freiwilliges Soziales Jahr, qui aident les jeunes Allemands à trouver leur voie dans le monde du travail:
Et puis est arrivée la grande soirée où chaque groupe a présenté aux autres le fruit de ses efforts.
Les valeureux élèves de l'atelier "théâtre d'improvisation" ont ouvert le bal, ils furent splendides (Bon, les allusions et citations sont plus claires quand on a vu les trois films. Merci à Léa d'avoir filmé avec la 2e caméra):
Puis vinrent les films des autres groupes, entièrement écrits, tournés et montés par les élèves (si si si) et on peut dire qu'ils ont été très bons.
Voici le film que vous attendiez tous, celui auquel ont contribué les élèves du lycée Thomas Corneille de Barentin (le meilleur, bien sûr...):
Les échanges interculturels, c'est bien beau mais ça ne se passe pas que dans la tête, il y a aussi l'estomac. Nous avons passé une fort agréable soirée à découvrir les régions dont venaient les uns et les autres, et surtout à en goûter les spécialités:
Afin de faire découvrir Osnabrück à nos chères têtes blondes, les collègues allemands ont organisé un rallye dans la ville. Les élèves avaient pour mission de se photographier devant les différents monuments qu'ils devaient retrouver.
Première matinée à Osnabrück. Les groupes franco-germano-polonais se sont rapidement vus la veille lors de la projection de Crache coeur.
Mesdames et messieurs, les groupes Kinema 2016-2017:
Il a fallu ensuite faire plus ample connaissance avant de démarrer le travail d'atelier:
Et nous sommes fiers de vous présenter les productions des 1e qui ont participé cette année au projet KINEMA. Ils devaient traiter du thème de l'exclusion et de la tolérance, en tournant un petit spot pour une campagne de prévention du harcèlement à l'école.
Et c'est reparti! Après 10 heures de car (une broutille à côté des 22 heures pour aller l'an dernier en Pologne), nous sommes arrivés en pleine forme à Osnabrück, en Basse-Saxe, pour la rencontre en tiers lieu de cette année. A peine sortis du bus, nous avons couru au cinéma pour regarder le troisième film du programme : Crache Coeur, de la réalisatrice franco-polonaise Julia Kowalski:
Entretien avec Julia Kowalski, réalisatrice du film "Crache cœur"
Après une première présentation à Cannes dans la
sélection de l'ACID en 2015, le premier long métrage de Julia Kowalski
est sorti dans les salles en France le 17 février 2016. Retour sous
forme d'entretien sur ce premier long métrage.
Cédric Lépine : Rose, le personnage principal,
est une adolescente qui porte véritablement tout le film à travers une
personnalité inédite dans le paysage du cinéma français. Comment
l'avez-vous conçu au moment de l'écriture ? Julia Kowalski : L'écriture a
été à la fois claire et intuitive car Rose, c'est un peu moi. Même si
ce n'est pas autobiographique, il y a plein d'éléments personnels dans
le film. On peut dire que l'histoire repose sur les souvenirs de ma
propre adolescence. Je n'ai donc pas effectué de recherches, ni
rencontré des adolescents d'aujourd'hui pour construire ce personnage.
Avec ce film, je ne me plaçais donc pas dans le réalisme social
contemporain mais plutôt dans l'idée de faire un film atemporel, qu'il
s'agisse du traitement de l'image ou de la mise en scène. Le parcours de
Rose était pour cette raison évident, ce qui ne m'a pas empêchée de
rencontrer des difficultés à écrire le scénario parce que je devais
construire des intrigues beaucoup plus développées. C. L. : Comment l'expérience de ce premier long
métrage vous a-t-elle nourrie personnellement dans ce dialogue avec votre propre
histoire ? J. K. : En
effet, la première version du scénario est apparue comme si je l'avais
déjectée de façon brûlante et viscérale. J'ai pris beaucoup de plaisir à
finalement « vider mon sac ». Les nombreuses années que prend la
réalisation d'un premier long métrage m'ont permis de prendre de la
distance par rapport à cette histoire, très personnelle au départ et qui
ne l'est finalement plus. Le film est ainsi devenu plus universel et
j'aimerais que chacun puisse éprouver en voyant le film les émotions que
j'ai moi-même éprouvées. Ainsi, Rose est devenue un véritable
personnage de fiction : ce n'est plus du tout moi. Comme la réalisation
du film a été longue, j'ai moi-même entre temps évolué ce qui accentue
ma distance avec cette histoire. C'est un peu bizarre mais au final
faire un film est proche d'un travail analytique : on parle de choses
très personnelles, ce qui nous permet de les dépasser. C. L. : Comment avez-vous dirigé l'actrice principale pour qu'elle puisse incarner ce que vous avez été ? J. K. : J'ai tout d'abord réalisé un casting très long avant de trouver Liv Henneguier :
il m'a fallu un an avant de trouver la perle rare. Avec Liv j'ai donc
eu littéralement un coup de foudre. Nous nous ressemblons physiquement
et dans ses attitudes aussi je me retrouvais beaucoup. Lorsque
je l'ai vue dans un film pour la première fois, c'est devenu une
évidence pour moi qu'elle était mon personnage, à tel point que je ne
souhaitais pas assister à ses premiers essais de casting. Lors de notre
première rencontre, nous sommes restées quatre heures à parler de nos
vies respectives et à y trouver de nombreux points communs, notamment
notre double culture puisqu'elle a des origines suédoises et moi
polonaises. Nous avons très vite parlé des scènes du film sans la
moindre ambiguïté. Nous nous sommes fait confiance dès le début et sur
le plateau c'était un bonheur absolu. En outre, elle est totalement
spontanée, brillante et intelligente : cela simplifie beaucoup les
choses ! Ce fut un tournage réellement idyllique alors que
j'appréhendais beaucoup cette première expérience. Je viens du
documentaire, ce qui est un univers encore totalement différent de la
fiction où j'avais à gérer toute une équipe. Nous avons eu une
préparation au tournage un peu compliqué car la production était assez
réduite, ce qui nous imposait peu de jours de tournage et en même temps
j'ai réellement l'impression d'avoir fait le film que je voulais en ne
faisant aucune concession. Le film est ce qu'il est mais il me ressemble
beaucoup. Je pense qu'il ne plaira pas à tout le monde mais au moins
j'ai l'impression que c'est moi et j'en suis très fière. Ce qui ne
m'empêche pas d'y reconnaître des défauts. J'ai hâte de poursuivre et de
réaliser le film suivant. C. L. : La psychologie du personnage principal semble être marquée par une absence, celle de sa mère. J. K. : Je
parlerai davantage de frustrations. Pour moi c'est ce qui caractérise
l'évolution du film, devenant son moteur même. Je ne souhaitais pas
montrer l'origine précise de ces frustrations. J'avais davantage envie
de raconter la naissance du désir qui n'aboutit pas. Les différents
personnages sont d'ailleurs confrontés à leurs frustrations, qu'il
s'agisse de Roman et son père comme des relations des autres
personnages. Ils ont également en commun d'appartenir tous à deux
cultures à la fois.
C. L. : Vous utilisez un lieu hautement
symbolique qu'est le foyer autour de cette maison en construction :
l'idée du foyer où l'individu peut s'épanouir est dès lors remise en
cause, frustrée. J. K. : Cette
maison en chantier permanent est l'état intérieur foisonnant du
personnage principal. De plus, je connais bien le milieu ouvrier
polonais puisque j'en ai fait le sujet de mon documentaire précédent :
c'était donc logique pour moi qu'il apparaisse. Quelque part, je ne me
suis pas posé de question sur la part symbolique du film : tout émane
des pores du personnage principal. Le sens apparaît aussi dans les
secondes phases d'écriture. D'ailleurs, à un moment le film a failli
s'intituler « En chantier ». C. L. : L'adolescence avec ses questionnements
sur l'identité était pour vous une période incontournable pour votre
premier long métrage de fiction ? J. K. : Durant
l'adolescence, tout est démesure. Je m'intéressais en outre au
contraste entre grand drame et extrême légèreté : l'adolescence est la
période la plus appropriée à cet égard. En effet, à cet âge on a
l'impression de vivre des choses énormes qui vont bouleverser nos vies
alors qu'au final celles-ci n'ont aucune incidence. On retrouve aussi le
schéma classique de la jeune réalisatrice qui s'intéresse à sa propre
adolescence pour son premier long métrage. Parfois, on m'a demandé si ce
n'était pas un film de plus sur l'adolescence. Mais au bout du compte,
je me fiche de m'inscrire dans cette lignée : j'ai souhaité avant tout
partager mon regard personnel sans me référer aux codes obligés du film
sur l'adolescence. Je pense en conclusion qu'il y a autant de films
d'ado qu'il y a de réalisateurs. C. L. : Ce qui caractérise aussi cette
adolescente, c'est qu'elle n'appartient à aucune bande : elle ment à
tout le monde et est capable de ne puiser qu'en elle-même pour
s'affirmer face aux autres, adultes ou non. J. K. : Je
pense que cela est dû évidemment à mon caractère et à ma vie. Je n'ai
jamais fait partie d'une bande et même si j'en ai eu plein, je me suis
toujours tenue à distance. Il n'y a dans ce film ni bons ni méchants :
ils sont tous nuls, lâches, pervers et attachants, sensibles, ayant tous
leurs raisons pour se justifier. Chacun possède sa dualité comme chacun
de nous dans la réalité. De Rose, je voulais absolument éviter d'en
faire un personnage lisse : il fallait que l'on voit ses aspérités. C. L. : En ce sens, le personnage se construit
lui-même sa féminité, en dehors de l'image « lisse et parfaite » désirée
par le regard masculin. J. K. : Oui,
c'est vrai, même si je ne me revendique pas comme une cinéaste
féministe. Mais pour moi la virilité n'est pas que chez les hommes : on
la retrouve chez la femme parce que tout se confond. Rose est peut-être
le personnage le plus viril dans le film car elle fonce et qu'elle n'a
peur de rien. Elle n'a jamais peur du ridicule, alors que les hommes
sont un peu lâches, comme ce père qui n'ose pas voir son fils, le fils
qui joue les bad boys mais qui a peur de tout... Mais ce n'est pas là ma
vision des hommes ! Parce que mon héroïne est une femme, que je voulais
qu'elle soit forte, elle est donc devenue virile. Les hommes peuvent
être faibles et pétasses de leur côté : cela n'est pas propre à un genre
mais répond bien à des personnalités distinctes. C. L. : Qu'est-ce que cela signifie d'avoir
comme productrice Valérie Donzelli ? Cela suppose-t-il un encouragement à
travers des valeurs communes en tant que cinéastes ? J. K. : Valérie
Donzelli et Jérémie Elkaïm ont été peu présents sur la réalisation :
mon contact permanent a davantage été Mina Driouch, la troisième
associée de leur société de production. En revanche ils ont été
formidables de générosité, n'hésitant pas à me prêter leur appartement
pour les répétitions. Je trouve formidable qu'elle se soit lancée dans
un projet comme le mien qui est d'autant plus difficile que c'est un
premier film sans acteurs connus. Elle a foncé corps et âme dans mon
projet et c'est génial. Nous avons certainement des points communs
mais ils ne sont pas évidents : je ne me présente pas comme sa disciple.
Dans nos choix de mise en scène, nous sommes à des années-lumière l'une
de l'autre. Ainsi, Valérie Donzelli est très instinctive dans
l'improvisation et la dynamique d'un tournage où tout se construit sur
place, alors que je suis très réfléchie, j'ai besoin que tout soit
millimétré, je parle beaucoup avec mon chef opérateur pour avoir des
plans précis... il n'y a aucun hasard chez moi. Ainsi, la couleur des
costumes doit être en corrélation avec la couleur des tapisseries, tel
personnage dans tel décor doit porter telle couleur. Ce qui n'empêche
pas que je sois parfois confrontée à l'improvisation mais cela reste
rare. De telle sorte qu'au montage je me retrouve avec beaucoup de
plans-séquence que je n'ai pas envie de redécouper. De son côté, Valérie
Donzelli multiplie les angles et prises de vue et fait naître son film
au montage. Il est vrai que j'ai pu bénéficier de son énergie qui
est tout simplement incroyable : c'est juste dingue et génial comme
modèle ! C'est un honneur absolu d'avoir été produite par elle.
Le vendredi 6 janvier, une sortie au
Cinéma du Havre était organisée dans le cadre du projet Kinema, un projet de
collaboration avec des élèves polonais et allemands. Trois films, représentant
chaque pays, font alors partie du projet. Cette sortie nous a permis de
visionner le film français "Les Combattants" et le film allemand
"Der Nachtmahr" dont Carolyn Genzkow est l'héroïne, elle interprète
le rôle de Tina.
Der
Nachtmahr
Plus récemment, le vendredi 17 mars, une conférence était
organisée à l'hémicycle du Conseil Régional de Rouen grâce à la présence de
l'actrice allemande. Les mêmes élèves présents au Havre étaient aussi présents
à Rouen, cette conférence se déroulait bien évidemment en allemand, nous avions
tous au préalable préparé quelques questions à poser à Carolyn. Celle-ci a fait
de son mieux pour répondre aux interrogations de chacun, souvent même en
détaillant ses réponses.
Nous avons alors appris que son rôle
dans "Der Nachtmahr" était son premier rôle principal dans un film.
Elle nous a aussi expliqué qu'elle s'était "faite toute-seule",
c'est-à-dire qu'elle n'est passée par aucune école du cinéma ou autres.
Originaire de Hamburg, elle a été découverte dans la rue quand
elle avait 10 ans. Elle a tourné dans beaucoup de publicités, de films et de séries
télé. Elle joue actuellement une commissaire de police dans la série « Tatort ».
A côté de sa carrière de comédienne,
elle fait également des études de psychologie, elle a obtenu une licence et
prépare actuellement un master.
Elle nous a expliqué ce que cela
faisait de jouer avec une poupée animée (le personnage du Nachtmahr n’est pas
en images de synthèse), comment elle avait découvert le scénario du film, ce
que ce film lui avait apporté dans sa carrière d’actrice.
Nous continuons aujourd'hui à travailler autour de cette
interview et autour de ce film.
Maylène Dujardin, Sarah Grandsire, Théo
Koppitz, Marius Patenère
Un classique que tous les Allemands connaissent et qui a sans doute fait la fortune de nombreux psychanalystes et psychothérapeutes:
Pour les non germanistes, un petit article en français:
le héros : le "Struwwelpeter"
Qui
est-ce ? Pour un Allemand, la question est d’une simplicité enfantine.
Outre-Rhin, tout le monde connaît ce petit garçon à l’imposante tignasse
blonde et aux ongles trop longs : c’est le "Struwwelpeter", personnage
qui a donné son nom à un célèbre livre pour enfants.
Quel pauvre gamin, un peu morose, plutôt négligé, perché sur un socle
sur lequel on peut lire ces vers que tout Allemand connaît :
"Regardez-le déambuler
Pouah ! C’est Pierre l’Ebouriffé.
Les ongles de ses mains,
Longs comme un jour sans pain,
Jamais, jamais il ne les taille ;
Et ses cheveux sont en bataille !
Si bien qu’on dit à la ronde
Quel petit garçon immonde !"
Voilà plus de 150 ans que le malheureux "Struwwelpeter" se fait
brocarder en ces termes. Plus précisément depuis 1844, année où le
psychiatre allemand Heinrich Hoffmann se met en quête d’un cadeau de
Noël pour son fils de trois ans.
Les livres d’images de l’époque n’étant pas à son goût, il rentre à la
maison avec un cahier vierge, et, en quelques coups de plume, y dessine,
écrit et rime une histoire destinée aux enfants.
Son œuvre fourmille de petits diables rebelles et impertinents, qui
n’écoutent pas leurs parents. Ils sont donc punis. Mordus par un chien,
amputés, brûlés vifs ou encore condamnés à mourir de faim.
Malgré son incroyable cruauté ou peut-être aussi à cause de ça, le petit
livre illustré remporte un vif succès parmi les adultes et les enfants
en ce réveillon de Noël 1844. Et de toutes parts, on incite le Docteur
Hoffmann à le faire publier. Depuis, c’est un best-seller. En Allemagne
comme dans de nombreux autres pays.
En France aussi, il y a un "Struwwelpeter", même si côté notoriété, il
n’arrive pas à la cheville de son cousin allemand : rares sont les
Français qui ont déjà entendu parler de Pierre l’Ebouriffé ou de
Tignasse Crasse.
En Allemagne, en revanche, la plupart des héros du "Struwwelpeter" sont
passés dans le langage courant. En tête : Gaspard-mange-ta-soupe, qui
meurt de faim en cinq jours car il ne veut pas manger sa soupe.
Aujourd’hui, il suffit qu’un enfant renâcle devant son assiette pour que
sa mère lui lance : "Tu finiras comme Gaspard !".
Et s’il traverse la rue en rêvassant, on crie : "Fais attention,
Jean-tête-en-l’air !". Jean, c’est le personnage qui tombe dans la
rivière parce qu’il est toujours dans la lune. Et si un enfant joue avec
un briquet, on lui dit : "Pense à Pauline !". Pauline, c’est la
fillette du "Struwwelpeter" qui met le feu à ses vêtements et se
transforme en torche vivante.
Philippe-qui-gigote, lui, se balance sur sa chaise. Un jour, il tombe à
la renverse, emportant nappe et repas. Aujourd’hui encore, les
hyperactifs sont affublés de ce sobriquet. Konrad, qui suce son pouce,
est amputé des deux doigts. Clic ! Clac ! Si l’amputation est loin
d’être une méthode officielle pour faire cesser ces mauvaises habitudes,
on agite encore volontiers l’épouvantail de Konrad à des fins
pédagogiques.
Le "Struwwelpeter" tient en haleine pédagogues et psychologues. La
cruauté est-elle bénéfique ou dommageable pour les enfants ? Les uns
estiment que la violence physique et psychique doit être bannie de
l’éducation des enfants ; les autres mettent en avant le côté anarchique
et anti-conformiste des petits rebelles.
Tout ce que je peux dire, c’est que, comme tous les Allemands, j’ai lu
le "Struwwelpeter" dans mon enfance. Sérieusement, je ne crois pas que
ça m’ait nui… n’est-ce pas ?