lundi 27 mars 2017

J'élève (et torture) mon enfant

Un classique que tous les Allemands connaissent et qui a sans doute fait la fortune de nombreux psychanalystes et psychothérapeutes:






Pour les non germanistes, un petit article en français:


le héros : le "Struwwelpeter"



Qui est-ce ? Pour un Allemand, la question est d’une simplicité enfantine. Outre-Rhin, tout le monde connaît ce petit garçon à l’imposante tignasse blonde et aux ongles trop longs : c’est le "Struwwelpeter", personnage qui a donné son nom à un célèbre livre pour enfants.
Quel pauvre gamin, un peu morose, plutôt négligé, perché sur un socle sur lequel on peut lire ces vers que tout Allemand connaît :

"Regardez-le déambuler
Pouah ! C’est Pierre l’Ebouriffé.
Les ongles de ses mains,
Longs comme un jour sans pain,
Jamais, jamais il ne les taille ;
Et ses cheveux sont en bataille !
Si bien qu’on dit à la ronde
Quel petit garçon immonde !"

Voilà plus de 150 ans que le malheureux "Struwwelpeter" se fait brocarder en ces termes. Plus précisément depuis 1844, année où le psychiatre allemand Heinrich Hoffmann se met en quête d’un cadeau de Noël pour son fils de trois ans.

Les livres d’images de l’époque n’étant pas à son goût, il rentre à la maison avec un cahier vierge, et, en quelques coups de plume, y dessine, écrit et rime une histoire destinée aux enfants.

Son œuvre fourmille de petits diables rebelles et impertinents, qui n’écoutent pas leurs parents. Ils sont donc punis. Mordus par un chien, amputés, brûlés vifs ou encore condamnés à mourir de faim.

Malgré son incroyable cruauté ou peut-être aussi à cause de ça, le petit livre illustré remporte un vif succès parmi les adultes et les enfants en ce réveillon de Noël 1844. Et de toutes parts, on incite le Docteur Hoffmann à le faire publier. Depuis, c’est un best-seller. En Allemagne comme dans de nombreux autres pays.

En France aussi, il y a un "Struwwelpeter", même si côté notoriété, il n’arrive pas à la cheville de son cousin allemand : rares sont les Français qui ont déjà entendu parler de Pierre l’Ebouriffé ou de Tignasse Crasse.

En Allemagne, en revanche, la plupart des héros du "Struwwelpeter" sont passés dans le langage courant. En tête : Gaspard-mange-ta-soupe, qui meurt de faim en cinq jours car il ne veut pas manger sa soupe. Aujourd’hui, il suffit qu’un enfant renâcle devant son assiette pour que sa mère lui lance : "Tu finiras comme Gaspard !".

Et s’il traverse la rue en rêvassant, on crie : "Fais attention, Jean-tête-en-l’air !". Jean, c’est le personnage qui tombe dans la rivière parce qu’il est toujours dans la lune. Et si un enfant joue avec un briquet, on lui dit : "Pense à Pauline !". Pauline, c’est la fillette du "Struwwelpeter" qui met le feu à ses vêtements et se transforme en torche vivante.

Philippe-qui-gigote, lui, se balance sur sa chaise. Un jour, il tombe à la renverse, emportant nappe et repas. Aujourd’hui encore, les hyperactifs sont affublés de ce sobriquet. Konrad, qui suce son pouce, est amputé des deux doigts. Clic ! Clac ! Si l’amputation est loin d’être une méthode officielle pour faire cesser ces mauvaises habitudes, on agite encore volontiers l’épouvantail de Konrad à des fins pédagogiques.

Le "Struwwelpeter" tient en haleine pédagogues et psychologues. La cruauté est-elle bénéfique ou dommageable pour les enfants ? Les uns estiment que la violence physique et psychique doit être bannie de l’éducation des enfants ; les autres mettent en avant le côté anarchique et anti-conformiste des petits rebelles.

Tout ce que je peux dire, c’est que, comme tous les Allemands, j’ai lu le "Struwwelpeter" dans mon enfance. Sérieusement, je ne crois pas que ça m’ait nui… n’est-ce pas ?
 
Texte : Hajo Kruse
Image : Philipp Seefeldt

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